samedi 8 août 2020

Rêve anéanti

Depuis toujours quand je cherchais papa, il était soit sur ses plans soit en train d’écouter les infos à longueur de journée. Il écoutait les infos a la radio et regardait toutes les chaines télévisées, au cas où il y a eu un mot qui a était omis sur l’une ou sur l’autre, au cas où il y a un évènement qui n’a pas été cité sur l’une ou sur l’autre et comme les chaines dans mon pays natal sont toutes affiliées à une milice ou à un parti militaire, il se devait de tout voir pour pouvoir se faire sa propre idée de la situation politique.

Mais papa est parti avant octobre 2019, avant le début de la révolution, avant la descente aux enfers, avant les plus grandes crises sociopolitique et économiques de l’histoire de mon pays et il n’y a pas un jour depuis que je ne pense pas à papa voulant lui dire vient voir ce que tu as raté, vient voir ce qui se passe depuis ton départ, c’est là que l’action a commencé, la description du pays que tu m’avais toujours décrit est éteinte à jamais


Mardi 04 Août à 18h, heure locale à Beyrouth, a jailli une double explosion meurtrière qui a balayé le port de la ville, a fait plusieurs victimes, des milliers de blessés, a ravagé une partie de la ville et laissé des dégâts matériels considérables dans l’autre partie. Les déflagrations dont le souffle a été ressenti jusqu’à l’ile de Chypre, ont été provoquées par plusieurs tonnes de nitrate d’ammonium stockés depuis 6 ans dans un entrepôt sans mesures de précaution signe de corruption et de nonchalance chez les dirigeants de ce pays.

Ces déflagrations, les plus dévastatrices jamais survenue au Liban, ont également mis à la rue des centaines de milliers de personnes, alimentant la colère de la population contre la classe politique, corrompue et incompétente qui a mis le pays dans une des crises les plus profondes de son histoire, sur fond d’inflation et dévaluation de sa monnaie, elle a plongé le pays dans une tristesse, une colère susceptible de ranimer les braises de la révolution du 17 octobre.

                
Dans la foulée, une amie a posté sur son Facebook, si Beyrouth pouvait parler, elle aurait dit quoi ? Je pense qu’elle aurait dit : Ça suffit. Elle aurait dit ! Assez, il est temps de vivre en paix ! Ce n’est pas les mots de Beyrouth seule, c’est le cri de cœur de chaque libanais sur terre, c’est les mots de chaque chauviniste qui saura laisser tomber son parti politique décevant et incompétent pour vivre la douleur et la colère de ses compatriotes.

Il n’y a pas de mots pour expliquer ce qui s’est passé, pas d’images qui peuvent capturer la gravité de l’explosion, pas de sentiments qui traduisent la colère, ni l’amertume ni le désespoir. 

Ça fait depuis mardi que je regarde en boucle les vidéos de cette horreur, depuis mardi que je n’arrive pas à quitter mon écran, je suis secouée mais aussi chanceuse de ne pas avoir perdue un membre de ma famille ou un ami dans cette tragédie. Je chante en boucle les paroles « la révolution nait des entrailles de la tristesse ».

Je n’ai jamais participé à un discours politique, à une réunion de parti, je n’ai jamais adhéré à une idéologie précise, je n’ai jamais participé à un rassemblement mais qu’est-ce que je ne donnerais pas aujourd’hui pour être au Liban, place des martyrs avec mes compatriotes pour dire Non !  Non aux dirigeants de notre pays, non à la corruption, non aux escroqueries, non à l’impunité de la classe politique, non à ces dirigeants qui ont peur d’assumer leurs responsabilités, non à l’oligarchie politique non à l’irresponsabilité criminelle sans limite.

Mais aussi non à l’adaptation, non à la flexibilité, non à l’acceptation,

Nos rêves se sont envolés, nos vies brisées, notre espoir anéanti, nos projets démolis, arrêtons d’accepter, de se relever, de faire, de refaire, de reconstruire, de survivre, de renaitre. Je ne veux pas que Beyrouth devient le symbole de la reconstruction, disons Assez !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire