samedi 26 octobre 2019

Quel honneur!


Je n’ai jamais aimé faire les courses au supermarché mais c’est une tâche obligatoire si je dois continuer à nourrir ma petite famille. Souvent je passe vite fait sur le chemin du retour après le sport, je passe pour un ravitaillement en fruits et légumes. Je ne suis jamais en grandes pompes mais je suis avec un t-shirt qui commence à peine à sécher de la sueur, à voir mes cheveux on aurait cru qu’il pleuvait dehors ou que je venais de sortir de la douche, bref je ne suis jamais présentable et ne souhaite en aucun cas rencontrer une âme que je connais, je veux surtout finir ma corvée et rentrer prendre une bonne douche.
Mais c’est dans ces pires moments qu’on croise souvent des amis, un ex, une rivale ou qu’on fait des rencontres inattendues!

Il y a deux jours, je sillonnais le rayon fruits et légumes tranquillement après mon sport quand d’un seul coup je sens une main sur mes épaules. Je me retourne et voit mon sexagénaire préféré venu faire ses courses aussi. A peine on se dit bonjour, il va voir une autre dame pas loin de moi et commence à parler avec elle. Deux minutes plus tard ils reviennent tous les deux vers moi pour les présentations. Il se trouve que je viens de rencontrer une figure publique française, maman d’une actrice française bien connue, ex compagne d’un acteur français très connu aussi et compagne d’un homme important lui aussi sur la scène française et dans paris match. Mais avant tout une fan de mon pays natal, une femme de coeur qui a aidé beaucoup d’enfants libanais pendant la guerre en les plaçant dans des familles d’accueil en France pour poursuivre une vie normale et finir leurs etudes pendant cette horrible période qu’a connu mon pays natal.
Ce jour, les courses ont pris une autre forme et ont abouti à un diner hier soir pour faire ample connaissance et continuer à parler de notre amour respectif pour mon pays. 
Hier soir, nous étions 14 convives, assis autour d’une table ronde à faire connaissance et à refaire le monde.  14 convives de nationalités différentes, de confessions différentes mais surtout avec des bagages assez différents. Il y a ceux qui vivent en France mais viennent à Marrakech pour les vacances dans leur résidence secondaire, il y a ceux qui sont nés à Marrakech, de parents français et qui vivent à l’année ici, il y a ceux qui ont fait une partie de leur carrière en France mais qui ont posé valises à Marrakech il y a maintenant quelques années pour accomplir un rêve encore plus grand et qui ont réussi à construire des projets assez en vogue aujourd’hui ici, mais il y a aussi 2 convives qui sont arrivés hier de mon pays natal pour une conférence importante et à ma grande surprise ils sont des figures importantes sur la scène nationale dans mon pays natal.
Ma grande joie était de découvrir ces 2 personnes exceptionnelles, ces 2 grosses têtes, de découvrir la personne derrière des projets de construction emblématique dans mon pays, l’urbaniste et conseiller international, ou l’autre personne économiste et titulaire de plusieurs doctorats en sciences économiques, fondateur d’un grand groupe pour les services-conseils et de la finance, un auteur de nombreux ouvrages sur l'économie libanaise et arabe. 

La discussion a fait plusieurs détours, de l’architecture à l’urbanisme, de la vie à Marrakech d’expatriés libanais à la vie des pieds noirs de l’époque, des boites de nuits à l’Oukaimeden aux club med en europe, mais aussi de sujets sérieux aux expériences hilarantes.
Nous avons fait le tour de beaucoup de sujets, des plus sérieux au plus fun, nous avons fait connaissance, nous avons parlé de nos différents avis politiques entre compatriotes mais aussi de nos goûts et nos choix culinaires.
Ce dernier sujet m’a fait découvrir l’existence d’un groupe de 30 personnes dans mon pays natal qui regroupe ceux qui ne mangent pas de poissons, de fruits de mer ou n’importe quel ingrédient qui vient de la mer. Un groupe de 30 personnes qui ont le même goût culinaire que moi. Ces personnes qui ne mangent rien en provenance de la mer ont formé avec mon voisin de table et compatriote un groupe!
Au fil de la discussion, mon voisin a découvert que moi aussi je ne mange rien en provenance de la mer, que souvent c’est embêtant quand on est invité chez les gens pour la première fois, et que souvent ce phénomène intrigue les autres personnes comme si moi je viens de mars. Il m’a donc invité à faire partie de ce groupe de personnes qui subissent les mêmes phénomènes que moi. Il m’a intégré en tant que première femme du groupe, première femme mais aussi la seule femme! 
J’ai accepté avec grand plaisir l’invitation mais surtout cette invitation me touchait car elle émanait du gendre de Mme Moghaizel, celle qui a été une figure militante de la lutte pour les droits des femmes dans mon pays natal et dans le monde arabe, le gendre de celle qui a été derrière de nombreuses réformes législatives en faveur des droits des femmes!

Aujourd’hui je me réveille avec un titre supplémentaire à rajouter à ma vie sur terre, le titre de membre d’honneur en tant que première femme du groupe de ceux qui ne mangent pas de poissons ou de produits de la mer. Si avant, parmi  mes amis, cette différence subissait beaucoup de commentaires, aujourd’hui elle a été la force et la raison d’un titre honorifique.

A partir d’aujourd’hui, je ne refais plus mes courses de la même manière. 

mardi 15 octobre 2019

Leçon de vie avec Safran


Ces derniers temps, je passe par une période très difficile avec la perte de mon père il y a 1 mois et demi, suivie par celle de mon beau père il y a 3 jours. Tous les deux tombés sur la tête, hémorragie et décès. J’essaie pour eux et pour ma famille de faire un travail sur moi pour retrouver mon identité d’avant la mort de ma maman il y a 7 ans, de revenir gaie, spontanée et aimer la vie à nouveau. Ma petite famille a subi cette odieuse personne que je suis devenue et on me l’a fait savoir chaque membre à sa façon.  

Dans ma démarche vers le bonheur, j’ai repris le sport de manière plus sérieuse. A chaque séance je me donne à fond et je profite au maximum surtout, à part ce matin au cours de Rpm. Pourtant pendant ce cour on pédale en groupe, avec un coach, une chorégraphie, de la musique sur un vélo indour. La chance que nous avons dans mon club de sport c’est que notre cour, à l’inverse des cours en France,  ne se fait pas dans une salle fermée dans le noir avec des lumières multicolores de discothèques mais plutôt avec en face un golf, des arbres, du soleil et de l’étendue. 45 minutes à pédaler sur place et malgré tous les bienfaits sur le physique et le mental, mon mental à moi n’a pas pu s’empêcher d’errer, bien sûr !

En pédalant, je me disais que sur un triathlon avec relai, je prends la partie vélo si un jour je décide de le faire et même si mon mari pense que je serais mieux en natation. Notre copain et sa sœur participent dans 2 semaines à l’Ironman 70.3 de Marrakech, un triathlon longue distance avec 3 disciplines qui se complètent et se compensent : Natation sur le lac Lalla Takerkoust sur une boucle de 1900m, un parcours de vélo de 90km reliant le lac à Marrakech en passant par le village berbère de Tahanaout et les prairies verdoyantes de la vallée de l’Ourika et pour finir une course à pieds de 21.1 km dans la ville ocre de Marrakech.
Je n’ai pas pu m’empêcher d’établir un parallèle avec la vie, les relations, l’inspiration, le flirt, la trahison, l’amitié et les expériences. Le déroulement de notre vie humaine est une succession de rencontres, de moments vécus et de séparations. Notre existence a un début avec la naissance, une vie avec la croissance sur terre et une mort avec une fin ou un passage.
Toujours 3 étapes, un triathlon d’épreuves !

De retour à la maison, je ne sentais pas le bienfait complet de la séance de sport, je me sentais plus victime d’une agitation mentale donc je décide de prendre mon vélo et d’aller faire un tour aux écuries pour voir les chevaux car je rêvais de paix intérieure et de lâcher prise. Ça fait un moment que je n’arrive pas à faire taire cette voix aux multiples intonations et remplis de contradictions qui parfois me donnait des conseils, parfois me faisait espérer, parfois me malmenait, parfois me décevait, parfois me poussait à  faire des conneries impulsives ou encore d’autres fois m’emmenait dans le doute et la peur, m’empêchant alors d’agir en cohérence et harmonie.
En arrivant aux écuries, j’ai directement cherché mon cheval préféré, Safran. Je l’aime car il est beau, jeune, il aime la vie malgré son passé, il est un peu rebelle, il est joyeux, aime les gens et aime surtout faire des conneries et c’est ce que j’aime le plus chez lui. Je ne l’ai pas trouvé dans son box habituel mais dans un autre un peu plus loin au calme. J’ai pris le temps de me poser à côté de lui, de l’observer, de passer du temps avec lui et de le sentir. Il était au calme, paisible, il faisait sa vie. En l’observant j’ai pu réaliser qu’il n’était pas en train de ressasser le passé ni planifier son avenir, il jouissait de la puissance du moment présent.

Il est venu me voir comme à son habitude, me regarder, me dire bonjour. Je croyais en arrivant que je suis venue chercher chez Safran sa joie de vivre et ses conneries plaisantes pour me changer les idées. A l’inverse, en le regardant droit dans les yeux j’ai eu un frisson et mes larmes ont commencé à couler à flots, il m’a touché au plus profond de moi et a fait un écho à qui je suis, à ce que je sens en ce moment. Il m’a renvoyé mes blessures, mes douleurs, mes pertes, mes émotions refoulées, mes valeurs, mes limites et mes besoins. J’ai ressentis ce que l’on m’a toujours dit, qu’il m’a reflété ma cohérence et mon incohérence entre mes intentions, mes actions et mon langage corporel et énergétique.
Pour la première fois, depuis que je le connais, que je vois Safran calme, posé, sûre de lui, mature et claire. Il n’a pas cherché à faire des bêtises, ni à jouer comme à son habitude, il n’était pas agité. Il se tenait droit et alternait entre me tendre le cou pour le caresser ou chercher mon regard. Il m’a passé un message de bien-être, de calme et de patience.

Il m’a fait comprendre que dans ce que je traverse actuellement, dans mes doutes et mes questions, je suis à la deuxième phase de mon triathlon des sentiments. Apres la douleur et la trahison qui représentent la première phase, vient la période de deuil, de pardon, de reconstruction de la confiance avant la troisième phase représentée par le pardon, l’acceptation, le lâcher-prise.
Avant de me remettre à la vie, je dois traverser cette phase comme veut Safran avec calme et patience. Ca ressemblera à l’épreuve du vélo du triathlon, ça sera l’épreuve la plus agitée avec beaucoup de dénivelés et surtout l’épreuve la plus longue.
Apres ma rencontre avec Safran, je suis rentrée soulagée, avec des réponses à mes douleurs et j’ai remarqué que cette simple présence consciente m’a amené de grands changements pour le reste de ma journée.

Je n’ai pas pu m’empêcher de réaliser aujourd’hui que contrairement à moi ou aussi à nous tous, les chevaux n’essayent jamais de contrôler la Vie et de la faire coïncider avec leurs idées. Ils prennent les choses comme elles sont, sans les juger ni y résister. Pour eux, c’est comme c’est et c’est ok. Et c’est une très belle leçon de vie que m’a apprise le plus beaux des chevaux, Safran.


mercredi 2 octobre 2019

Ma constatation du moment

 
Je suis rentrée hier retrouver ma petite famille après un voyage rapide de 4 jours dans mon pays natal. Je suis partie retrouver mes frères et mes proches pour la messe de quarantaine (40jours après la mort) à l’intention de mon père. Une messe, une tradition, des retrouvailles et un rite qui aide à supporter l’absence et à faire vivre le souvenir de mon papa, de cet être aimé. 

Dans nos traditions, on célèbre la “messe de quarantaine” pour clôturer la période de “grand deuil” car chez les chrétiens il est reconnu que l’âme va se purifier et accomplir l’effort de détachement de l’enveloppe corporelle durant les 40 jours prévus pour son ascension vers Dieu. Le nombre symbolise la période de transition de retour sur soi qui précède tout changement profond. Ces 40 jours qui suivent un décès sont considérés comme délai nécessaire à la séparation définitive des 3 composants de l’être: corps, âme et esprit.

Pendant la messe dimanche, famille, amis et proches se sont réunis, les émotions ont explosé et les larmes ont coulé. C’était un grand moment de douleur, de souvenirs, de colère et d’absentéisme aigu.
Pendant la messe, je n’ai pas pu écouter l’ensemble des paroles, j’ai vagabondé, mon esprit a erré dans l’église et parfois au-delà des murs. J’étais dans un état crucial de survie, je voulais disparaître mais aussi je voulais terminer ma souffrance. 
Par contre quelques mots ont retenu mon attention, surtout quand le prêtre a expliqué l’évangile du jour évoquant le pardon :
« Si quelqu’un te frappe sur la joue droite, présente lui la gauche »
Le prêtre parlait du sens « littéral » de ce passage qui est une invitation à nous poser des questions, de sorte que nous puissions arriver au-delà de notre première impulsion naturelle et avoir ainsi un comportement créatif, créateur de vie, de réconciliation, de paix. C’est ainsi que le prêtre voulait peindre le Christ comme étant génial avec ses paroles provocantes, dérangeantes, ses paraboles et ses gestes significatifs. 

Dans mes moments de doute et de douleur, je n’ai pas pu m’empêcher de penser au « comment résister au méchant », comment laisser les pedophiles continuer à violer des enfants,  comment laisser les gangsters agresser des banques et des tyrans tuer des innocents sous leur balles? Comment accepter qu’une belle-mère prive les enfants légitimes de leur héritage, une femme voler le mari d’une autre et briser son couple, d’un père envoyer son fils quémander? 
Pour appliquer à la lettre ces paroles faudrait-il donner un enfant de plus au pédophile, la clef du coffre au gangster, des armes aux fous furieux, un accueil chaleureux à l’amante du mari? Faut-il accepter avec joie que Dieu nous prive d’un être aimé, d’un ami ou d’un père?

Dans ce moment pénible de colère et de douleur, ainsi par expérience je n’ai pas pu m’empêcher de me dire que la plus simple interprétation de ce texte reste pour moi une voix alarmante nous disant qu’après la gifle sur la joue droite, tend bien la joue gauche et attend la deuxième ne tardera pas à arriver!