jeudi 23 avril 2020

Guerre et Coronavirus


Cela fait maintenant 5 semaines que nous sommes en confinement à la maison et cela fait 5 semaines aussi que j’ai envie d’écrire. J’ai plusieurs sujets à relater mais aussi hallucinant que ça puisse l’être, je ne trouve pas le temps de le faire. Je sais qu’en ce moment nous ne pouvons pas sortir de la maison, que le temps c’est tout ce que nous avons mais avec les activités à faire, les cours de sport à ne pas manquer, les repas à préparer, les challenges à relever, un mari à occuper, 2 enfants à gérer et l’école à la maison le temps passe vite et les journées deviennent trop courtes. En plus je consacre un peu de temps l’après-midi pour prendre des nouvelles à tour de rôle de mes copines éparpillées dans le monde, dans des pays différents avec un niveau d’épidémie diffèrent.

Quand la situation a commencé à changer au Maroc et quand on a eu vent d’un probable état d’urgence et d’un confinement obligatoire, les gens se sont rués dans les supermarchés pour faire des stocks de nourriture. Ce qui fait que J’ai reçu 3 appels d’amis différents me demandant conseil sur le stock à faire, un exemple de produits à acheter et des conseils pour bien préparer les réserves. J’ai été la personne leur venant à l’esprit car je rempli la catégorie « a déjà vécu une guerre » en tant que libanaise d’origine, je suis parmi les rares dans leur entourage et notre génération à avoir vécu un confinement avant. Mes enfants, qui ont entendu mes conversations téléphoniques, ont commencé à me questionné eux aussi sur mes récits de guerre.

L’idée de la guerre est venue à l’esprit des gens quand notre cher chef de l’Etat, Emanuel Macron, a comparé la situation liée au Coronavirus à un état de guerre lors de son allocution du 12 Mars 2020 concernant la crise sanitaire du moment. A six reprises, sur un ton martial visant à mobiliser contre un « ennemi invisible » le chef de l’Etat a répété : « nous sommes en guerre ». Une anaphore que je juge bien alarmiste, dangereuse et sème la panique.
Si pour certaines personnes ayant vécues la deuxième guerre mondiale en France en 1939, il peut y avoir une similitude et que le comparatif peut être juste, je peux comprendre qu’ils font allusion à la peur vis-à-vis des gaz, des armes chimiques et biologiques.

Mais pour moi, ayant vécu pendant mon enfance plusieurs guerres au Liban, j'ai une idée bien précise de cette dernière. La guerre c’est la lutte armée entre états, c’est un conflit armé entre deux milices au sein d’un même état, c’est une guerre civile, une guerre de sécession ou une guerre révolutionnaire. La guerre c’est une forme de violence, c’est les bombes qui anéantissent les villes et tuent des militaires mais aussi des innocents, des femmes et des enfants.
La guerre c’est la peur quand retentissent les sirènes, la course pour se mettre à l’abri, l’expérience du déracinement, du combat pour la survie, la hantise d’être déchiqueté, voire réduit à néant par des bombes d’une puissance sans cesse renouvelée, l’attente de la mort a l’approche des assauts et une forme d’épuisement mental et physique.
La guerre c’est la famine, les tickets de rationnement, la pénurie des denrées alimentaires et la dégradation des conditions d’existence.
La guerre c’est surtout notre sentiment d’impuissance contre cet ennemi qui réduira sous nos yeux nos êtres aimés en cendre, coupés en morceaux ou tués dans d’atroces et odieuses conditions, de barbarie, le sentiment que le ciel nous tombe sur la tête.

C’est vrai que je ne suis pas à mon premier confinement, j’ai vécu différents types de confinement au fil des guerres, et c’était bien pire. Le risque de sortir de l’abri à l’époque ne consistait pas à avoir une amende mais à se faire tirer dessus.  
Je préfère le confinement d’aujourd’hui, en sécurité tant que je reste à la maison, entourée de ma petite famille, le reste de ma famille et mes amis sont à une distance d’un whatsapp call. Je sais que le ciel ne me tombera pas dessus quand je sors sur ma terrasse, le toit de la maison ne s’effondrera pas à n’importe quel moment et la mort ne me menace pas tant que je suis en confinement.

Alors je considère que ce que nous vivons aujourd’hui est une grave crise sanitaire, une pandémie, avec des dirigeants qui la gèrent plus ou moins bien selon les pays, nous sommes en lutte contre une maladie qui se propage dangereusement. Nous sommes en lutte contre un virus qui ne se propage pas en raison du feu de ses blindes, de la puissance de son aviation ou de l’habilite de ses généraux mais en raison des mesures inappropriés, insuffisante ou trop laxistes prises par les pouvoirs publiques et chacun de nous.

Mais fort heureusement nous ne sommes pas en GUERRE. Rester confiné chez soi sur le canapé n’est pas un état de guerre non plus.