samedi 26 mai 2018

Entre coup de gueule et bon sens


A la naissance de ma nièce, il y a maintenant quelques mois, j’ai reçu un appel de la part de mon frère pour m’annoncer la bonne nouvelle tant attendue et me rassurer que maman et bébé se porte très bien. Mon bébé frère, comme on l’appelle dans la famille car c’est le benjamin de la fratrie, m’annonce en même temps que je serais la marraine de sa fille cet été.
Mon autre frère avant lui m’avait aussi choisi pour être la marraine de sa fille il y a quelques années maintenant. C’est comme une tradition maintenant, je suis celle qui est responsable des filles dans notre petite famille.

Depuis toute jeune mes frères m’ont toujours surnommé la rebelle, j’étais une jeune fille qui suit sa voie, trace son sillon, garde les yeux fixés sur l’horizon, ne fait qu’à sa tête et prend les choses très à cœur.
Donc pour moi ce n’est pas un hasard ni une coïncidence et ce n’est pas seulement parce que je défends les droits de la femme dans notre famille, ni parce que je m’agace sur le simple fait d’évoquer une inégalité de sexe quand on discute ensemble, ni parce que je m’énerve quand on parle d’inégalité d’héritage entre mes nièces et mes neveux sous prétexte que mes nièces auront plus tard un mari qui subviendra à leurs besoins.
Pour moi, c’est un beau message de la part de mes frères, un message qui par-dessus toutes les traditions ajoute un petit grain de folie, de fantaisie et un tourbillon de sentiments. Un message qui les rassure et les conforte tant dans le lien mystique bien plus puissant que certaines attaches consanguines que dans l’engagement moral qui en suivra.

Ces convictions qui me tiennent à cœur j’essaie de les transmettre à ma fille tous les jours, je veux surtout et avant tout qu’elle apprenne à s’aimer. C’est important.
Je ne lui demande pas d’être égocentrique, ni narcissique ni prétentieuse, je veux juste qu’elle n’ait aucun problème avec son image ni avec sa confiance en elle.
Je veux qu’elle accepte la personne qu’elle est, apprenne à vivre avec ses qualités et ses défauts et être tolérante avec elle-même.
Je veux qu’elle se respecte et qu’elle accepte de faire ce qui est juste pour elle et pas forcément pour le monde autour.
Je veux qu’elle apprenne à faire confiance à sa voix intérieure et à son cœur !

Je veux qu’elle vive en harmonie avec son corps, elle n’a pas besoin du regard approbatif des autres.
Je veux qu’elle se libère, qu’elle se soulage du regard des autres et du poids de leur jugement.
Je veux qu’elle soit la seule juge de ses comportements et de ses choix, que personne ne pourra lui dire comment elle doit s’habiller ni comment elle doit traiter son corps. Son corps lui appartient.

Je ne suis pas en train de demander à ma fille de s’exhiber en publique, ni de marcher nue dans la rue. Je ne suis pas en train de dire qu’elle ne doit pas respecter le dress code de l’école ou du boulot plus tard ou une loi quelconque si elle existe mais je veux qu’elle se rebelle un peu. 
Mais je ne permets en aucun cas à une prof à l’école qui n’est pas la maîtresse principale de ma fille, ni la responsable de son show de Zumba ou de pompom girl de venir lui dire comment elle doit s’habiller. Je ne permets pas non plus à qui que ce soit d’autre que moi ou de son père de lui inculquer la notion de pudeur. 

A l’école américaine de mes enfants, mettre une brassière de sport pour des filles de 7 ans afin de faire un show de pompom girls choque les profs et surtout les américaines ou même un t-shirt noué au niveau du ventre et montre le nombril d’une fille fait scandale auprès des américaines puritaines et conservatrices. Ce qui est contradictoire c’est que les marocaines plus ouverte, tolérantes et respectueuses n’ont même pas jugé la tenue inadéquate ou portant atteinte à leur croyance.

Ça me fait penser à cette citation récente du créateur Tom Ford(ex-Gucci) qui fait mal et qui veut tout dire : « Quand on shootait une campagne publicitaire, on en faisait une pour le monde, et une autre pour le Moyen-Orient parce que leurs règles interdisent qu'un homme touche une femme, et que tout le monde doit être habillé. Aujourd'hui nous shootons trois versions : une pour le monde, une conservatrice, une pour le Moyen-Orient. La version conservatrice est pour les Etats-Unis. »

Alors je veux dire à ces profs qu’on a à l’école américaine en particuliers que le regard pervers que nous, adulte, posons sur nos enfants est en train d’étouffer leur innocence et fabriquer des pervers obsédés. L’innocence de nos enfants est leur regard sur la vie, leur capacité d’émerveillement, leur confiance dans l’humanité et leur espoir placé dans la bonté et la continuité à ressentir l’optimisme de l’enfance alors il est interdit d’y toucher c’est ce qu’il y a de plus précieux!
Alors s’ils ont du mal avec la liberté d’expression à tous les niveaux, intellectuel, social, corporel et religieux je leur demande de se contenter d’apprendre patiemment que « m » et « a » se prononce « ma », de leur faire réciter des poésies et des tables de multiplications,  de leur apprendre le respect, qu’on ne frappe pas leurs petits camarades pour bien vivre en communauté, le reste est notre devoir de parents !

jeudi 10 mai 2018

Décalage horaire


À l’heure où le Maroc mon pays de résidence se prépare à commencer le mois sacré du ramadan, le Liban mon pays natale se prépare pour les élections parlementaires et la France mon pays adoptif se prépare pour la fête des mères le 27 mai.
L’avantage d’avoir une double nationalité et vivre dans des pays différents c’est qu’on peut célébrer la fête des mères 3 fois par an, voter 2 fois par an et fêter pâques à 2 dates différentes. Mais aussi,  passer de l’année 2025 à l’année 1900 en quelques heures de vol!

L’autre midi,  j’étais à Paris, il faisait un temps de rêve alors je décide d’aller déjeuner seule en terrasse, de profiter de la vue sur le jardin du Luxembourg, siroter un verre de rosé froid et observer les passants. Assis à la table d’à côté, 2 hommes genre cadre sup comme on les appelle en France. La discussion était du style on se connait dans le boulot mais on ne sait rien sur nos vies perso mais quand même lors d’un déjeuner en terrasse on peut se poser des questions.
J’adore tendre l’oreille et écouter ce qui se dit à la table voisine. La discussion des 2 hommes m’intriguait car je voulais voir ou ça peut mener à l’inverse de l’autre table à droite où une dame d’un certain âge raconte à sa copine à propos de la belle villa qu’un mec lui a trouvé à Marrakech et l’offre qu’il lui a fait et qui sent l’arnaque totale vue les détails qu’elle donnait. Bon ça ne sort pas du commun et elle n’est pas la seule à être arnaquée sur des affaires à l’étranger. 

Je reviens aux 2 hommes, avant le dessert, l’un demande à l’autre : « et ta femme, elle travaille? » sans lever le voile sur cet insoutenable suspense - alors elle travaille ou pas?- je vais m’attarder sur la question elle-même qui peut sembler anodine mais qui a déclenché chez moi un gros énervement et un article! Si on imagine la même scène avec 2 femmes sur une terrasse,  est ce que l’une aurait demandé à l’autre si son homme travaille? Non elle aurait dit : « ton mec, il fait quoi? » car il est entendu dans notre société qu’un homme adulte et indépendant gagne sa vie et nourrit sa famille. Ce serait pas mal qu’il en soit de même pour les femmes.

Écouter le sujet de cette conversation me ramène à la discussion que j’ai eue avec une femme chauffeur de taxi, une femme généreuse et agréable qui aime faire la conversation avec ses passagers et qui m’a conduit de Orly à l’hôtel le jour où j’ai atterrie à  Paris.

Il s’est avéré qu’en plus d’être chauffeur de taxi, elle est élue de sa commune et chargée de l’égalité homme femme. Nous avons pu échanger sur ce sujet qui me tient à cœur. Si en France les femmes trouvent qu’il y a encore beaucoup à faire pour les droits de la femme, je les félicite car elles ont déjà fait un long chemin juridiquement parlant. La dame dans le taxi est d’origine algérienne, nous avons pu comparer la condition de la femme en Afrique du Nord par rapport à la France, pays où la femme a le droit de voyager seule avec ces enfants sans qu’on ne lui demande un consentement de son mari, pays où la femme peut porter un maillot de bains et aller à la plage, pays où la femme peut porter plainte pour agression sexuelle et avoir un suivi, pays où la femme peut donner son nom de famille à ses enfants si elle le souhaite et surtout pays où la femme peut avoir un enfant seule sans que ce dernier ne soit qualifié d’enfant bâtard  né sous X!


A l’heure où en France continue à se battre pour encore plus de droits de la femme, je ne peux que espérer qu’au Liban, ce pays tellement vanté par ses citoyens et où les droits de la femme sont plus que médiocre, je vais pouvoir un jour donner ma nationalité à mes enfants comme au Maroc, en Algérie ou en France, pouvoir un jour ouvrir seule un compte bancaire à mes enfants et pourquoi pas leur donner mon nom de famille, reconnaître un enfant hors mariage catholique et que j’ai voulu garder seule, bref exister dans l’espoir de laisser un monde meilleure à ma fille et mes 2 nièces !








mardi 8 mai 2018

La soirée des 1000 et 1 lumières




Ce que j’adore le plus c’est quand j’émerge le lendemain d’une soirée ou deux consécutives avec beaucoup d’histoires que j’ai envie d’accoucher sur papier tout de suite.

Ce matin j’émerge d’une soirée d’anniversaire, les 60 ans d’une connaissance, soirée que je peux qualifier de réussie, soirée de toutes les rencontres. Une soirée de fin avril exceptionnelle tant par son exotisme que par son temps frais et pluvieux, le tout surprenant a Marrakech.
Et d’une autre soirée au restaurant marocain très raffiné d’un hôtel royal, soirée classée sous le thème du luxe et de la madame-reçoit. 
C’était 2 soirées complètement différentes mais très semblables. 

Les efforts et moyens déployés pour recevoir étaient assez similaires, la barre était haute. Les invités étaient intéressants, cultivés, blindés financièrement et se sont déplacés à Marrakech pour l’anniversaire de leur ami, pour un peu de dépaysement et de folie. Les invités ont fait la fête jusqu’à tard dans la nuit sans chichi ni grosse tête, ils sont venus exprès pour fêter l’anniversaire et pour s’amuser. Ils ont pris l’avion des 4 coins de la France pour le weekend. 

A la première soirée, nous avons fait beaucoup de rencontres, les invités étaient détendus, relax, chic et très humbles. Nous avons voyagé de Marrakech, au Liban, en corse et aux pays de tous les artistes. Les discussions et les rencontres se multipliaient et surfaient sur les vagues de l’art, de la politique, des voitures coupées en deux, une partie pour l’aller et l’autre pour le retour dans des pays différents, des paysages corses, des courses de voitures, des accidents, du Liban vu par les étrangers et des souvenirs.
Nous avons croisés le chemin d’un compatriote libanais, installé à paris et il s’est avéré que nous nous connaissions déjà que nous nous sommes déjà rencontré quand nous étions encore à paris.
Le monde est petit, notre monde est petit !

A la deuxième soirée, nous avons été reçus dans un luxe et raffinement impressionnants. Nous nous connaissons tous entre invités, nous avions passé la soirée ensemble la veille. Pourtant le diner ne s’est pas passé comme la soirée de la veille. Mon homme-idéal était assis à l’autre bout de la table par rapport à moi. On s’est rendu compte le lendemain que nos expériences étaient très différentes, les ambiances et discussions aussi, pourtant on était au même diner avec quasiment les mêmes personnes que la veille  (à part un couple qu’on ne connaissait pas et madame qui nous reçoit) mais géographiquement mal placés autour de la table.
Pendant que mon mari-idéal parlait de sujets variés et intéressants, il me jetait un coup d’œil discret de temps en temps pour lire les expressions sur mon visage qui disaient tout vu qu’il me connait par cœur. Effectivement, j’écoutais le monologue de « madame-reçoit » sur les marques de luxes, sa vie de luxe à paris, ses connaissances de luxe dans les boutiques selectes de la ville et dans une certaine communauté de luxe en vacances au Liban ou à Marrakech qu’elle côtoie quand elle s’y rend pour ses vacances de luxe. En plus d’être madame de luxe avec 2500 personnes à son service entre personnel, domestique, infirmière et chauffeur pour l’entretenir et s’occuper de ses enfants, « madame-reçoit » est fatiguée et préconise à toute maman de faire un voyage par mois avec une copine pour pouvoir garder la tête sur les épaules et gérer le stress quotidien généré par la vie familiale et les obligations.
Je n’ai pas pu placer un mot dans son monologue de m’as-tu-vu, pour être honnête je n’avais même pas l’envie de participer alors je me suis contentée d’acquiescer en disant « waou », « magnifique », « bien sûr », « effectivement » …

Au final, nous avons eu deux soirées consécutives très semblables avec des invités communs mais très différentes par leurs ambiances et les expériences vécues. Assez bizarrement, un détail non négligeable a pu faire basculer la soirée d’un côté ou de l’autre et a pu faire toute la différence.
L’origine et la nationalité de notre hôte a pu changer l’expérience de réussie à catastrophique, de noble à m’as-tu-vu, de humble à snob et terriblement nombriliste.