lundi 7 février 2022

La maman d’un ado

 

Celui qui était le petit sabi au moment où j’ai commencé ce blog, a aujourd’hui 15 ans avec tout ce que cela implique comme lassitude de la vie, hormones, projets et surtout sorties avec les copains. Il a beaucoup d’idées de génie, de langage en perpétuelle mouvance, de programmes et autant de journées de “flemme” ou de « seum » parce qu'il n'a pas la possibilité d'être "AKLM", à cause d'un "boloss" de prof.

 

Askip, la daronne du Boug qui gère, doit apprendre à ne pas stresser mais « Yolo » !

 

Le BG qui s’en Balec de tout et qui adore la musique en ce moment, passe son temps à brancher ses playlists sur la sono de la maison, de la voiture, de la salle de bain et veut m’apprendre « how to get sturdy » en m’envoyant par réseaux sociaux toutes les vidéos de Kai ou Mdotbabyy pour me mettre à jour, devenir une frappe et ne pas appartenir à la génération des « ieuv ».

Je ne vais pas cracher dans la soupe, je passe de très beaux moments avec lui, de partage et de d’apprentissage, de discussions et de rigolade. Un moment pour moi pour faire ressortir mon âme d’enfance, de danser sur la musique en cuisinant ou en travaillant.

 

Mais être maman d’un adolescent n’est pas que fleuve tranquille H24. Il a aussi ses sorties, ses bêtises, ses journées dans le canapé tronche en biais et portable à la main à envoyer des lettres assemblées bizarrement à ses copines sans oublier la taille de son nombril qui est inversement proportionnelle à celle de son cerveau car il exprime son besoin urgent, absolument vital de sneakers dernier-cri 15 fois par jour.

Quand on discute il me reproche d’avoir une peur inexpliquée, d’être parano, de trop stresser car quand il n’est pas là je visse mon téléphone au bout du bras, je le vérifie nerveusement toutes les secondes en attendant une réponse de sa part qu’il a « zut » oublié de m’envoyer. Il me reproche de ne pas le laisser aller se balader seul en centre-ville à Marrakech, de prendre un taxi lambda pour rentrer la nuit, de vouloir savoir où il est à chaque moment de sa journée.

 

Il a raison sur certains points, je stresse beaucoup, comme si cela m’évitera les mauvaises nouvelles mais quand il me demande une rétrospection et le pourquoi du comment qui génère mon stress je ne peux pas m’empêcher de retourner dans mon enfance au Liban, pays de guerre, d’insécurité et d’années sombres, de mamans qui ont vu leurs enfants partir et ne plus jamais revenir. Depuis toute jeune je sais ce que c’est la perte d’êtres chers pendant la guerre mais pas que. Mon pays n’a jamais connu la stabilité, les attentats peuvent survenir à n’importe quel moment et ce jusqu’à aujourd’hui. Récemment j’ai perdu 3 cousins jeunes lors d’un meurtre commis dans mon village, l’endroit le plus paisible du Liban, l’endroit où je me sentais le plus en sécurité et où je pouvais laisser mes enfants aller jouer dans la rue sans aucun souci.

 

Je me souviens quand j’étais ado à mon tour, je passais une après-midi tranquille à la maison sans l’ombre d’un nuage en vue, quand ma mère a reçu un coup de fil de l’hôpital le plus proche lui annonçant que mon frère y est suite à une agression commise contre lui en rentrant à la maison. Je me souviens jusqu’à ce jour du visage de ma mère, de son stress, des journées passées à l’hôpital à s’inquiéter pour mon frère et tout le charabia qu’il y a autour.

 

Donc Oui, je stresse, Oui j’ai des traumatismes d’enfance que je lègue à mes enfants à travers mon comportement et Oui la constitution de mon pays est ancrée en moi, coloriant mon sang, touchant mon âme jusqu’au fond de mes tripes.


Bref, si je pouvais, j’aimerais revoir ma maman pour m’excuser de tous les moments où je l’ai inquiété, où je n’ai pas donné de nouvelles où je l’ai contredites. Maintenant, Je peux très bien comprendre ses sentiments.

Etant maman d’un ado, j’ai appris que je ne pourrais jamais protéger mon enfant de chaque blessure, ni les empêcher mais je peux être présente pour l’aider à surmonter la douleur.