mardi 17 mai 2016

Un fauteuil




En mars dernier, mon papa est venu me rendre visite à Marrakech. Il n’était pas encore venu me voir depuis que j’ai posé mes valises dans la ville rouge.

J’avais longuement insisté pour qu’il vient et ceci pour deux raisons : la première est que je voulais qu’il voyage, qu’il prend l’avion, qu’il bouge car depuis qu’il a eu son AVC, il y a deux ans, il n’a plus remis les pieds dans un avion, il s’est mis à la retraite forcée et prétexte ne pas être au top de sa forme pour faire quoique ce soit. La deuxième raison, qui rejoint un peu la première, est que depuis toujours il a négligé sa santé, son poids et son diabète, encore plus depuis la mort de maman et depuis son AVC.
Donc je considérais ce voyage comme une sorte de cure pour son corps avec un régime surveillé par mes soins et une cure pour le moral avec cette incitation au voyage, à l’autonomie et une motivation pour le reste de sa vie, de quoi lui prouver que la perte de l’équilibre et marcher avec une canne ne sont pas un obstacle, ne peuvent pas empêcher une personne de profiter de la vie, de vivre tout cour.

L’expérience était une réussite, tout c’est super bien passe, il a profité, il a perdu du poids, il a fait du sport matin et en fin de journée et il a découvert la ville rouge rajoutant par cela une nouvelle ville sur sa liste de villes africaines déjà visitées.

De mon côté, j’ai beaucoup insiste pour qu’il prend l’avion tout seul, pour qu’il vient me voir mais ce que je n’ai jamais avoue c’était la peur au ventre que j’avais en préparant ce voyage avec lui et mon frère. Je flippais car mon enthousiasme endormait la vision de la réalité, ma raison s’est réveillée une fois les billets réservés. Et s’il lui arrive un malaise ? Et s’il n’arrive pas à se débrouiller tout seul comme il n’est pas à 100 pour 100 autonome ? Et si les services d’assistance à personnes à mobilité réduites ne sont pas fiables, pas compétents ? Et si, et si….
Je voulais des réponses avant l’heure alors j’ai commencé mes recherches sur internet, j’ai cherché les avis des internautes ayant utilisés les services au Maroc car ayant utilisés ces mêmes services au Liban l’été dernier je savais à quoi m’attendre et aussi car j’appréhendais tout le service médical ici.
Les avis étaient tous négatifs, les expériences étaient toutes mauvaises, les internautes parlaient de fauteuil roulants dégradés et en mauvais état, d’un service catastrophique, que la prise en charge des personnes a mobilité réduite est tout simplement catastrophique, non seulement à cause du matériel qui est sale et défectueux mais aussi très dangereux pour la sécurité des voyageurs.

La recherche n’a fait qu’ajouter plus de stress à ma détresse. Le jour du voyage est arrivé, papa fut pris en charge au Liban comme prévu, tout allait bien. Puis à l’atterrissage au Maroc, papa fut pris en charge avant de quitter l’avion par les hôtesses de l’air en attendant l’arrivée du service spécialisé. Une personne très aimable,  souriante et professionnelle a transporté papa depuis l’avion jusqu’aux arrivées, l’aidant à récupérer ses bagages. Cette personne a utilisé son téléphone portable pour appeler mari-idéal qui avait une minute de retard à cause d’un trafic inhabituel dans le parking de l’aéroport. Au retour c’était le même service impeccable, souriant et aimable, papa est parti heureux et bien pris en charge.

La plupart des matins, après avoir déposé les enfants à l’école, on se retrouve en bande d’amis pour prendre un café dans le restaurant de la station d’essence la plus proche de l’école, devenu notre lieu de rencontre matinal avant de se séparer pour nos taches habituelles. On parle de tout et de rien, de la chirurgie esthétique, des problèmes de l’école, on planifie nos évènements, nos soirées poker et on échange les dernières découvertes. L’autre jour, un copain installe au Maroc depuis bientôt 17 ans, me disait qu’il fait complètement confiance au service médical marocain, que toutes les expériences qu’il a eu ici étaient d’une réussite irréprochable. Ça m’a redonné confiance.

Puis, il y a deux jours, ce même ami, emmène sa famille, son frère et un ami pour un trekking à vélo en montagne. Au moment de la descente, en s’arrêtant l’ami s’est tordu la cheville, rien de grave a première vue mais il a été escorté en voiture à l’hôpital le plus proche. On lui a fait le nécessaire en attendant de l’envoyer à l’hôpital à Marrakech. Mais ce qui a marqué les esprits dans toute cette aventure c’était le fauteuil roulant utilisé. De quoi pleurer, éclater de rire et admirer l’ingéniosité des gens pour se tirer d’affaire. Les locaux ont improvisé et inventé un fauteuil roulant, voire une chaise roulante, à l’aide des chaises de plastique de jardin et des pièces de vélo.

Parfois dans le pire cauchemar qui peut nous arriver, on ne peut que s’incliner face à l’ingéniosité de certains bricoleurs qui par la force de leur imagination et le manque de moyens ont réussi à créer des objets pour l’utilisation courante.


mercredi 4 mai 2016

Xanax, une histoire d’amour…




IL y a des amis que l’on voit une fois tous les 10/15 ans et on a l’impression qu’on venait de se quitter la veille, que pendant 10 ans rien n’a changé à part une ride sur le visage ou deux kilos sur  les hanches. Evidemment aujourd’hui avec nos vies assez publiques sur les réseaux sociaux, on arrive à suivre le dernier régime de nos copines, les dernières vacances, l’arrivée du nouveau-né et l’opinion politique des grands-parents des amis.

Il y a deux jours, ma cousine était à Marrakech car étant une jeune poète - romancière elle était une invitée d’honneur du salon du livre et de poésie en langue arabe. J’ai profité pour la voir et passer un peu de temps avec elle pour rattraper les 11 ans qu’on a passé loin l’une de l’autre. On avait eu beaucoup d’aventures ensemble, aventures des plus bizarres et hors norme, rien qu’en y pensant 20 ans après on éclate de rire. Mais pas que !

Le hasard ou le manque de communication 12 ans en arrière ont fait que l’on s’est marie le même jour chacune de son côté. On n’a pas pu assister à nos mariages respectifs. On vivait toutes les 2 à l’étranger et on a organisé nos mariages avec les moyens disponibles et l’aide d’amis très fidèles et parents motivés puis on s’est rendu compte de la date quand on a échangé nos faire-part de mariage.

Il y a 3 ans, on a vécu, chacune de son cote, une tragédie qui nous a marque a jamais, on a perdu chacune un être cher a une semaine d’intervalle. Dans deux pays différents, au moment où moi je perdais ma mère, ma cousine perdait son fils, les deux à cause du cancer.
Ne pas être là l’une pour partager le bonheur de l’autre dans les événements heureux c’est compréhensible mais ne pas être là pour une amie pendant un moment difficile c’est inconcevable. Ceci nous est reste à travers la gorge jusqu’à notre rencontre hier ou nous avons pu discuter, nous avons pu faire un point, nous avons pu partager nos histoires et limite faire un deuil ensemble.

Nous avons raconté nos histoires, s’arrêtant sur les petits détails, les impressions que nous avons eues, les sentiments, la douleur et les peines. Nous avons parlé des amis qui étaient présents, de la famille et des personnes qui faisaient semblants de pleurer et de ceux qui t’ont toujours mal traité de ton vivant et qui pleurent à ton enterrement.
Mais l’enterrement d’un être cher est un moment de transe totale, d’état d’exaltation, d’angoisse et d’anxiété. Pour tenir le coup, des membres de ma famille m’ont obligé à prendre du Xanax dès l’annonce de la mort de ma mère et ceci pour tenir le coup. Novice en la matière j’ai accepté. Je n’étais pas au courant de la tendance du moment dans mon pays natal. Il a fallu une expérience douloureuse, quelques mois d’angoisse et ma meilleure amie pour m’expliquer.

Le plus choquant était à un certain moment clé de l’enterrement quand je suis partie en live dans les bras de mon cousin et que une vingtaine de membre de ma famille sont venu m’aider, tous penche au-dessus de ma tête me coupant l’air et entrain de hurler. Une petite partie de moi a réussi a se détacher et observait l’ambiance générale. Je me souviens de ma tante qui demande aux femmes autour d’elle si quelqu’un avait du Xanax et d’une façon très spontanée les femmes ont commencé à fouiller dans les sacs à main. Le geste était d’un naturel que si quelqu’un observait la scène de loin, il aurait cru que les dames cherchaient un mouchoir, le xanax n’étant pas un indispensable que l’on garde sur soi !

Ma cousine de son coté, est arrivée à l’aéroport sous xanax, suivie par le corps rapatrié de son fils afin de l’enterrer dans son pays natal. Les membres de sa famille étaient en pleure à l’aéroport, elle essayait de les calmer comme elle était en état second grâce aux cachets elle avait oublié sa peine pour quelques minutes.
Puis elle me raconte qu’elle a été introduite à ce tranquillisant suite à la mort de son fils juste comme moi, pour une petite parenthèse de 3 jours, pour traiter le trouble panique ou les troubles d’anxiété a l’inverse de la voisine de ma cousine qui est fière de raconter qu’elle réduit les cachets de Xanax en poudre et les sert dans la sauce de la salade à tous les membres de la famille confondu afin de les rendre tranquilles pour la journée !

Il est vrai que dans mon pays natal, une grande majorité avale du Xanax ou du Lexotanil quotidiennement et sans modération pour oublier le stress de la vie de tous les jours, les poubelles étalées dans les rues, les odeurs puantes des ordures, la circulation, les politiciens et leurs promesses, les talk-shows télévisés et les risques de guerre. Ajoutons à cela la vie de famille pas toujours facile, la gestion des enfants, de l’école, du mari/la femme pas souvent idéal, des beaux-parents, ….
Il est vrai qu’il y a de quoi faire une chute de tension, une apoplexie ou une crise cardiaque. Le pire est que les médecins prescrivent ceci à tout le monde pour le moindre petit stress ou la petite anxiété du quotidien et ils oublient qu’une bouffée d’oxygène, un émerveillement devant un beau ciel et un superbe coucher du soleil derrière une mer bleu, applaudir à un concert sous le ciel étoilé des artistes locaux et étrangers, rire aux éclats, savourer un bon vin local, faire du sport, une bonne alimentation, de l’amitié et de l’amour sont le secret d’une bonne forme mentale et physique sans dépendance à un produit addictif.

Je ne veux pas dire par là que la dépression clinique soit un effet de mode. Dans les années 1990 comme aujourd'hui, il y a toujours eu des personnes véritablement déprimées, au sens médical du terme et qui ont accueilli avec soulagement le réconfort que le Prozac pouvait leur procurer. Mais au-delà de ça, les réalités modernes justifient-elles une dépendance accrue au Xanax?

Nous sommes désormais dans l’ère du Xanax, cet emblème de l’humeur nationale et avec lequel nous vivons aujourd’hui une histoire d’amour.