mercredi 4 mai 2016

Xanax, une histoire d’amour…




IL y a des amis que l’on voit une fois tous les 10/15 ans et on a l’impression qu’on venait de se quitter la veille, que pendant 10 ans rien n’a changé à part une ride sur le visage ou deux kilos sur  les hanches. Evidemment aujourd’hui avec nos vies assez publiques sur les réseaux sociaux, on arrive à suivre le dernier régime de nos copines, les dernières vacances, l’arrivée du nouveau-né et l’opinion politique des grands-parents des amis.

Il y a deux jours, ma cousine était à Marrakech car étant une jeune poète - romancière elle était une invitée d’honneur du salon du livre et de poésie en langue arabe. J’ai profité pour la voir et passer un peu de temps avec elle pour rattraper les 11 ans qu’on a passé loin l’une de l’autre. On avait eu beaucoup d’aventures ensemble, aventures des plus bizarres et hors norme, rien qu’en y pensant 20 ans après on éclate de rire. Mais pas que !

Le hasard ou le manque de communication 12 ans en arrière ont fait que l’on s’est marie le même jour chacune de son côté. On n’a pas pu assister à nos mariages respectifs. On vivait toutes les 2 à l’étranger et on a organisé nos mariages avec les moyens disponibles et l’aide d’amis très fidèles et parents motivés puis on s’est rendu compte de la date quand on a échangé nos faire-part de mariage.

Il y a 3 ans, on a vécu, chacune de son cote, une tragédie qui nous a marque a jamais, on a perdu chacune un être cher a une semaine d’intervalle. Dans deux pays différents, au moment où moi je perdais ma mère, ma cousine perdait son fils, les deux à cause du cancer.
Ne pas être là l’une pour partager le bonheur de l’autre dans les événements heureux c’est compréhensible mais ne pas être là pour une amie pendant un moment difficile c’est inconcevable. Ceci nous est reste à travers la gorge jusqu’à notre rencontre hier ou nous avons pu discuter, nous avons pu faire un point, nous avons pu partager nos histoires et limite faire un deuil ensemble.

Nous avons raconté nos histoires, s’arrêtant sur les petits détails, les impressions que nous avons eues, les sentiments, la douleur et les peines. Nous avons parlé des amis qui étaient présents, de la famille et des personnes qui faisaient semblants de pleurer et de ceux qui t’ont toujours mal traité de ton vivant et qui pleurent à ton enterrement.
Mais l’enterrement d’un être cher est un moment de transe totale, d’état d’exaltation, d’angoisse et d’anxiété. Pour tenir le coup, des membres de ma famille m’ont obligé à prendre du Xanax dès l’annonce de la mort de ma mère et ceci pour tenir le coup. Novice en la matière j’ai accepté. Je n’étais pas au courant de la tendance du moment dans mon pays natal. Il a fallu une expérience douloureuse, quelques mois d’angoisse et ma meilleure amie pour m’expliquer.

Le plus choquant était à un certain moment clé de l’enterrement quand je suis partie en live dans les bras de mon cousin et que une vingtaine de membre de ma famille sont venu m’aider, tous penche au-dessus de ma tête me coupant l’air et entrain de hurler. Une petite partie de moi a réussi a se détacher et observait l’ambiance générale. Je me souviens de ma tante qui demande aux femmes autour d’elle si quelqu’un avait du Xanax et d’une façon très spontanée les femmes ont commencé à fouiller dans les sacs à main. Le geste était d’un naturel que si quelqu’un observait la scène de loin, il aurait cru que les dames cherchaient un mouchoir, le xanax n’étant pas un indispensable que l’on garde sur soi !

Ma cousine de son coté, est arrivée à l’aéroport sous xanax, suivie par le corps rapatrié de son fils afin de l’enterrer dans son pays natal. Les membres de sa famille étaient en pleure à l’aéroport, elle essayait de les calmer comme elle était en état second grâce aux cachets elle avait oublié sa peine pour quelques minutes.
Puis elle me raconte qu’elle a été introduite à ce tranquillisant suite à la mort de son fils juste comme moi, pour une petite parenthèse de 3 jours, pour traiter le trouble panique ou les troubles d’anxiété a l’inverse de la voisine de ma cousine qui est fière de raconter qu’elle réduit les cachets de Xanax en poudre et les sert dans la sauce de la salade à tous les membres de la famille confondu afin de les rendre tranquilles pour la journée !

Il est vrai que dans mon pays natal, une grande majorité avale du Xanax ou du Lexotanil quotidiennement et sans modération pour oublier le stress de la vie de tous les jours, les poubelles étalées dans les rues, les odeurs puantes des ordures, la circulation, les politiciens et leurs promesses, les talk-shows télévisés et les risques de guerre. Ajoutons à cela la vie de famille pas toujours facile, la gestion des enfants, de l’école, du mari/la femme pas souvent idéal, des beaux-parents, ….
Il est vrai qu’il y a de quoi faire une chute de tension, une apoplexie ou une crise cardiaque. Le pire est que les médecins prescrivent ceci à tout le monde pour le moindre petit stress ou la petite anxiété du quotidien et ils oublient qu’une bouffée d’oxygène, un émerveillement devant un beau ciel et un superbe coucher du soleil derrière une mer bleu, applaudir à un concert sous le ciel étoilé des artistes locaux et étrangers, rire aux éclats, savourer un bon vin local, faire du sport, une bonne alimentation, de l’amitié et de l’amour sont le secret d’une bonne forme mentale et physique sans dépendance à un produit addictif.

Je ne veux pas dire par là que la dépression clinique soit un effet de mode. Dans les années 1990 comme aujourd'hui, il y a toujours eu des personnes véritablement déprimées, au sens médical du terme et qui ont accueilli avec soulagement le réconfort que le Prozac pouvait leur procurer. Mais au-delà de ça, les réalités modernes justifient-elles une dépendance accrue au Xanax?

Nous sommes désormais dans l’ère du Xanax, cet emblème de l’humeur nationale et avec lequel nous vivons aujourd’hui une histoire d’amour.

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