vendredi 24 janvier 2020

You



Quand je conduis à Marrakech je me concentre bien sur la route, j’essaie de ne pas me laisser trop emporter par mes pensées car la moindre distraction peut parfois être fatale. Conduire à Marrakech c’est comme conduire dans une casserole d’huile bien chaude avec des grains de maïs à éclater dedans. J’ai l’impression que tout le monde contient une substance en ébullition dans son intérieur qui sous la température et la pression éclate soudainement ! Il n’y a pas d’ordre, je ne sais pas quel individu va sauter devant moi et d’où il va  attaquer par surprise. C’est pour cela que j’ai toujours l’impression de conduire dans une casserole de popcorn.


Ce matin, en conduisant je continuais à penser à ce popcorn à chaque fois qu’une moto me coupe la route ou qu’un piéton saute devant ma voiture. J’ai pensé qu’il n’y a qu’une seule variété de maïs qui peut faire du popcorn, le maïs à éclater car ce maïs est plus petit que la normal et à un endosperme beaucoup plus résistant.En sachant que l’endosperme est un tissu végétal de réserves nutritives spécialisé dans le transfert des ressources de la mère vers l’embryon et est le facteur qui rend le maïs apte à éclater et faire du popcorn, que puis-je dire de ce que nous parents transmettons à nos enfants ?Puis-je utilise la métaphore du popcorn pour comprendre les réactions humaines? Un traumatisme important durant l’enfance impacte –t-il l’enfant ou aussi l’adulte qu’il va devenir ? Nos maladies mentales sont-elles génétiques ?                                                                                                                                   

Ca me ramène à une discussion que j’ai eu hier lors d’un café avec une amie à propos de la série You diffusée sur Netflix et que je regarde depuis peu. La première saison m’a beaucoup bouleversée me laissant partagée entre avoir de la fascination ou du mépris pour le caractère principal. Je voulais arrêter de regarder cette série pour son effet troublant mais mon amie m’a conseillée de continuer car je vais mieux comprendre le personnage en découvrant l’origine de ses traumatismes. La série parle d’un gérant d’une modeste librairie à New York qui a eu un coup de foudre avec une cliente et qui décide de la retrouver sur internet. Le gérant, Joe, dangereusement charmant, devient vite obsédé par sa cliente, il l’observe et cherche à connaitre chaque détail de sa vie sur les réseaux sociaux, notamment ses habitudes ou ses amis. Persuadé qu’ils sont faits l’un pour l’autre, il va tenter de renverser tous les obstacles qui pourraient se dresser en travers de son chemin et élaborer un stratagème machiavélique pour la séduire.La série nous offre un panel de psychologies humaines variées. Les névroses de chaque personnage sont mises en exergue : jalousie, obsession, sabotage, contrôle, envie, etc. Tous ces éléments nous amènent à remettre en cause même les personnages qu’on prenait comme référents de la normalité. À travers ces portraits, la série pose la question des travers de chacun, des comportements sociaux malsains qu’on peut tous avoir.

Mais si l’histoire de Joe est un concept déjà vu dans d’autres séries, il fait partie de ces serial killers qui vont justifier, sous prétexte d’une morale, d’êtres des tueurs. Sa dimension supplémentaire est son romantisme teinté de paranoïa. Le paranoïaque, souvent, explique son emprise sur une personne par le fait qu'il cherche à la protéger. C’est ce qui dérangeant dans ce personnage, il est dans cette problématique d’une justification qui est celle de l’amour. C’est un paranoïaque sensible qui est davantage dans la passion et qui veut nous faire croire que  la passion viendrait excuser l’atrocité.

 Le problème remonte à son enfance et savoir plus sur son passe nous aide à comprendre le pourquoi de ses actions : sa mère, battue par son père, n’arrivait pas à le sortir de ce foyer violant.Joe a en réalité tué son père à l’âge de neuf ans pour défendre sa mère après des énièmes coups. Le profil de Joe est donc plus facile à dresser psychologiquement parlant : on peut dire qu’il est probablement un sociopathe qui cherche toujours des femmes à protéger comme il a voulu protéger sa mère de son père.Puis vient son mentor qui l’enfermait dans une cage pour lui inculquer brutalement ses valeurs, l’amour-haine, punition-récompense, etc. 

En pédopsychiatrie, les enfants qui auront des tendances psychopathiques ont souvent vécu de grands traumatismes. C’est un peu le mythe des cavernes. 
Alors pour finir, je me demande si l’amour fait chauffer notre équivalent humain de l’endosperme nous permettant d’éclater dans notre relation? Si malgré le fait que Joe est un sociopathe, ses motivations, ses peurs, ses espoirs, ses doutes ne semblent pas si déférents des nôtres ? Si les traumatismes de l’enfance sont la source de chaleur qui trace notre chemin sur la voie de notre développement humain ? Et si nos expériences, nos émotions, nos actions façonnent l’expression de nos gênes en permanence ? 

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