A la
question « depuis combien de temps je vis à l’étranger »
qu’on me demande souvent, je réponds par 12 ans. Je ne me rends pas compte de
l’impact que cela a eu sur moi, je ne réalise pas la transformation que mes réflexes
innés ont subi. Je suis formatée, comme tous mes compatriotes français, par
l’écologie et le respect de la planète depuis que ce sujet est devenu
d’actualité, au point de dire à mon mari-idéal quand il me propose d’avoir un
3eme enfant que son projet ne tiens pas la route, écologiquement parlant, car
nous sommes devenus 7 milliard sur terre et qu’il ne faut pas en ajouter.
Ce que nous traitions de radinerie à l’époque des bonnes sœurs fait la une des
journaux en France aujourd’hui, expliquant à la population qu’éteindre la
lumière quand on sort de la pièce, recycler les papiers et télécopies imprimés,
ne pas utiliser des sacs plastiques sont des actes de citoyenneté et de respect
de l’environnement dans le but de préserver la terre pour les générations futures.
Ces informations sont stockées dans notre inconscient et coordonnent nos
gestes. Les labels et indices écologiques ainsi que les normes iso fleurissent
partout.
De
retour dans mon pays d’origine depuis 2 semaines pour passer les vacances
d’été, j’observe et analyse les gestes des compatriotes de mon autre moitié. En
l’espace de peu de temps, je surnomme le pays du levant « le pays du
Kleenex » (Kleenex est une marque déposée, fabricant entre autres des mouchoirs
en papiers, et qui est rentrée par antonomase
dans le langage courant pour désigner un mouchoir jetable
en papier).
Je
vois fréquemment une personne nettoyer avec un Kleenex l’eau renversée sur la
table, sur le sol et sur l’étagère au lieu de la fameuse serviette lavable. Je
vois une autre se servir du Kleenex comme sous-verre renouvelable 10 fois avant
la fin du premier verre. Je vois d’autres laver les mains des enfants avec 5
Kleenex car un ne suffit pas au lieu de les laver avec de l’eau. Une goutte
par-là, une tache par-ci, un mouchoir par-là, un Kleenex par-ci et l’opération
se renouvelle à longueur de journée.
Ce
matin, je reçois un plombier pour me réparer l’évacuation de l’évier de la
cuisine. Le joint en silicone est consommé depuis longtemps, il faut le
remplacer utilisant une manip très facile. Il sort sa poudre blanche, la
mélange avec l’eau et commence à l’appliquer devant mes yeux. Puis pour
nettoyer autour du trou il opte pour le fameux Kleenex. Il prend 4 à la fois,
puis 4 autres puis 4 autres. Je suis sous le choc, les images d’arbres abattus
défilent devant mes yeux et mon cerveau dénonce les pratiques forestières
destructrices et la mauvaise conduite en matière d’environnement.
Les
propos de Steven Guilbeault de Greenpeace me viennent à la tête : «Cela
prend 90 ans à la forêt pour produire une boîte de Kleenex mais seulement
quelques secondes pour jeter un papier-mouchoir à la poubelle ».
Choquée,
j’explique au plombier que son geste c’est du gaspillage de nos ressources
naturelles, qu’il y a d’autres moyens pour nettoyer le produit. Juste après
c’est lui qui était choqué par mes propos ne comprenant pas mon souci dans un
pays en guerre.
Puis
le soir même je discutais de mon nouveau article avec une nouvelle recrue dans
notre famille, arrivant tout droit du Canada, elle me raconte que ce jour sur
la route jusqu’au village, elle a vu une belle fleur ou ce que l’innocence de
sa vision et la rapidité de son imagination croyaient être une belle fleur
blanche suspendue d’un arbre. Apres observation elle se rend compte que le
blanc n’est autre qu’un Kleenex jeté dans la nature !
Je me
mets après à questionner mon copain Google pour comparer mes 2 pays en matière
de consommation de Kleenex et il s’avère qu’à l’heure actuelle, lorsqu’un
consommateur moyen français utilise 160 mouchoirs par an, un libanais en
utilise 1 200 sur la même période.
Je ne
peux m’empêcher de demander s’il n’est pas temps de commencer les campagnes
d’éveil en matière de protection de l’environnement et son impact sur la vie de
nos enfants et petits-enfants ? S’il n’est pas temps de changer nos
comportements ? S’il ne faut pas formaliser la notion de responsabilité
associée à la pollution, à la biodégradabilité, au recyclage et à la tragédie
des biens communs ?