J’adore les
soirées déguisées, l’effort mis dans la préparation des costumes et
l’imagination débordante des invités. J’ai
étais à plusieurs soirées déguisées et j’ai organisé quelques-unes. A chaque
fois, il y a eu d’agréables surprises, des rencontres plus ou moins violentes et
des émotions soudaines qui nous frappent
dans la sensibilité et le psychisme. Des délires qui font qu’on en parle
jusqu’à ce jour, à chaque fois qu’on évoque nos souvenirs ou à la veille des préparatifs
d’une autre soirée.
Nous ne
pouvons pas nous empêcher de rigoler mais tirer aussi notre révérence à l’imagination
exponentielle d’un ami qui s’est déguisé en carambar pour une soirée sous le thème
de « tout ce que tu as voulu être » car apparemment il a toujours rêvé qu’on le
suce (désolée pour les très pudiques qui lisent cet article) ou comme l’amie vêtue
d’une élégante petite robe noire à la française mais qui a collé de la fourrure
sous les aisselles en guise de cheveux longs non épilés pour la soirée « tenue
chic, détail choc » et qui lui a permis de gagner le trophée du meilleur
déguisement lors de cette même soirée.
Tout simplement, les déguisements nous offrent la possibilité
de s’évader, le temps d’une soirée, dans un monde irréel et de partager avec
des proches des moments ou l’imaginaire et la dérision prennent d’emblée toute leur
place.
La dérision et
le délire c’est aussi quand nous préparons un déguisement pour une soirée ou
quand nous essayons d’en trouver un qui correspond au thème imposé. Je me
souviens des fous rires que nous avons eu avec mes collègues à l’agence d’architecture quand j’avais imposé le thème « S comme.. » pour ma fête d’anniversaire.
Les convives devaient venir déguiser en quelque chose qui commence par un S.
Les pauses déjeuner se sont transformées en déluge d’idées astronomiques sur l’aberration
de l’imagination des architectes. A la soirée j’ai vu défilé des sapeurs-pompiers,
des Soldats, des superman, des secrétaires mais la surprise était surtout le collègue
tout en blanc vêtu avec un bonnet de bains en latex sur la tête en guise de
suppositoire.
Dans le cadre
de ces soirées déguisées, toute notion d’interdit, de contrainte et de supériorité
sociale s’efface au profit de la convivialité et de l’autodérision. Les déguisements
ont des fonctions symboliques très fortes qui permettent de s’approprier un
personnage et d’échapper à la réalité
Depuis la nuit
des temps, l’homme, l’adulte, tout autant que l’enfant, se déguisent. Les
psychanalystes l’ont souligné depuis bien longtemps : « l’homme n’est
jamais lui-même, en toutes circonstances, la société et l’environnement dans
lequel il évolue l’obligent en permanence à porter un masque, à refouler ses
pulsions ».
Idem pour le
monde du travail, le métier que nous choisissons si ça rentre dans le cadre de
notre passion définit qui nous sommes et non pas un rôle que nous jouons ni un
déguisement que nous enfilons pendant la journée. Si on choisit de faire de
notre passion notre métier ça devient une source d’épanouissement, de
satisfaction, une réalité, des envies, un savoir-faire, une personnalité. Le travail et le bonheur deviennent des lors
compatibles.
Celui qui
travaille sans passion accomplit son labeur par obligation, volonté et devoir,
alors que le passionné oublie qu’il doit travailler.
Pour moi, nul
besoin de déguisement, nul besoin de porter un masque, nul besoin de subir des
contraintes. L’architecture m’attire comme la pratique d’un jeu, ou le plaisir allège
le poids des contraintes et arrête le défilement du temps. L’architecture me
correspond, elle est alignée avec mon talent naturel, mon potentiel, elle m’offre
des champs à explorer, nourrit ma soif de connaitre, de comprendre, de réaliser,
d’imaginer, d’assembler, de combiner les normes et dérober aux règles.
Au-delà du mélange
de couleurs et de volumes, ce savoir-faire ancestral habille l’espace
d’impressions et d’intentions fortes, installe dans les trames des fibres
l’accident ou l’aléatoire qui offre le supplément d’âme et d’esprit.
Les longues
années d’études ont largement rendu compte de la créativité foisonnante de ce
savoir-faire ancestral, intellectuel, relationnel et artistique.
Je peux parler des heures sur le fait de se déguiser au travail, se déguiser la journée en enfilant un métier qui n'est pas le leur mais je peux aussi parler des jours de se déguiser dans la vie vu le nombre de personnes avec un double visage que j'ai rencontré dans ma vie.
Je termine
avec cette citation de Madame de Sablé " Si l'on avait autant de soin d’être ce qu'on doit être que de tromper les autres en déguisant ce que l'on est, on pourrait se montrer tel qu'on est, sans avoir la peine de se déguiser"