Ca fait plusieurs jours que j’ai mal au ventre et que je me demande si j’ai chopé le virus qui traine en ce moment au Maroc, mais aujourd’hui, je viens de comprendre que j’ai chopé le virus « boule au ventre » qui traine chez la diaspora libanaise, un mal que tout libanais a depuis que la guerre a commencé au Liban, un sentiment de contraste dévastateur entre la distance physique et l'intensité émotionnelle.
Un
comédien et acteur de mon pays a dit récemment « quand mon pays va mal, je
vais mal », il a bien décrit ce sentiment profondément ancré dans
l'empathie et l'identité personnelle. Il est bien vrai que lorsque mon pays
natal est sous les bombes, cette connexion devient encore plus intense surtout
depuis l’étranger : chaque explosion résonne en moi comme une douleur
lancinante. L'angoisse pour ma famille, sous les bombes, est omniprésente. Je
me sens à la fois impuissante et coupable. Coupable car je suis à l’abri. Les
nuits sont marquées par des cauchemars, et chaque appel manqué accentue le
sentiment d'isolement. Malgré la distance, l'amour et la peur se mêlent, créant
une lutte intérieure perpétuelle entre le désir de protéger, d’aider, de soutenir
et l'incapacité de le faire.
Chaque
jour, je ressens cette douleur palpable, cette inquiétude constante pour les
proches restés sur place et pour la terre qui m’a vu grandir.
Chaque
jour, je suis submergée par un flux incessant d’informations sur la guerre qui
ravage mon pays. Mon téléphone vibre en permanence avec des alertes, chaque son
déclenchant une montée d’adrénaline et une inquiétude sourde.
Chaque
jour, Mon esprit vit un orage chaotique, où chaque rapport sur la situation me
hante, me rendant difficile de me concentrer sur quoi que ce soit d’autre. Les
journées sont longues et les problèmes de chantiers, de climatisation, de rouge
ou de noir ne valent rien à mes yeux en ce moment.
Chaque
jour, Je lutte avec ce désir de rester informée, mais cette connaissance est un
cycle vicieux d’angoisse. Dans les moments de répit, même manger ou travailler
ne fait que raviver mes pensées, alors que j'attends désespérément des nouvelles
rassurantes de mes proches, de mes amis, de mes copatriotes dont la sécurité
m’inquiète profondément.
Chaque
nouvelle d'attaques ou de souffrances infligées à mon pays ravive un sentiment
d'impuissance et de tristesse. C'est comme si une partie de moi-même était en danger,
comme si la souffrance collective résonnait en moi.
Le
stress et l'anxiété deviennent des compagnons permanents, affectant ma santé
mentale et mon quotidien. Les souvenirs heureux de mon pays contrastent
cruellement avec la réalité actuelle, créant un sentiment de perte et de
nostalgie. Il est difficile de se sentir bien dans un monde où tant de gens
souffrent, dans un monde qui a perdu son humanité.
Chaque
jour, l'espoir d’un avenir meilleur se heurte au désespoir face à la réalité,
et je me sens enchaînée à cette souffrance collective qui éclipse ma propre
vie, qui me pousse à me demander s’il y aura un avenir pour mon pays, si je
vais perdre une partie de mon identité.
Hier,
Assise sur mon canapé, je ressentais chaque explosion comme une détonation dans
mon cœur. Mes pensées voguaient entre le présent et le passé, les histoires que
me racontaient ma mère quand j’étais jeune refont surface.
Elle me
racontait souvent ses souvenirs, ses nuits d’angoisse où elle s’accrochait à
son téléphone, espérant entendre la voix de ses proches, celle qui apaiserait
ses craintes. C’était juste après son mariage pendant la guerre civile de
1975-1976 quand elle a suivie son mari, mon père, en Arabie saoudite son pays
de résidence à l’époque, son lieu de travail. Elle me racontait comment les
journées s’étiraient, mélancoliques, ponctuées par l’angoisse d’un message,
comment la nourriture perdait son goût, chaque bouchée devenait un effort, un
rappel cruel de la vie qui continuait alors que la sienne semblait figée dans
l’attente. Aujourd’hui, c’est à mon tour de vivre cette douleur, de m'accrocher
à mon écran, guettant des nouvelles de mes proches au Liban, de ressentir la
même paralysie, la même impuissance, à des milliers de kilomètres de ceux que
j’aime.
Chaque seconde les messages des
amis qui veulent avoir des nouvelles de ma famille s’affichent sur l’écran, des
mots de soutien et de compatis, des messages d’amour et de désarroi
s’entremêlent avec les images de destruction et de chaos.
Les
collègues et les amis finissent toujours leurs messages par vous les libanais
vous êtes résilient, on admire votre résilience…. Oui mais nous on en a marre!
Nous avons déjà prouvé notre résilience à plusieurs reprises, nous avons gardé
les séquelles des guerres antérieures, de l’inflation, de la crise économique,
de la révolution et comme a dit une humoriste belge d’origine libanaise: nous
sommes les Héritiers de traumas intergénérationnels et pire encore….